Beaucoup de choses ont été dites sur ce disque – déjà bien avant sa parution (y compris par Springsteen himself) mais bon, maintenant qu’il est là, difficile de résister à l’envie d’en dire deux, trois choses aussi.
Le disque était annoncé comme un disque atypique dont les textes étaient centrés sur une galerie de personnages promenant leur spleen dans le désert mais, au final, c’est un album qu’on devine avant tout très personnel (le Springsteen vieillissant n’est jamais aussi bon que dans le rôle du solitaire, du dépressif, qui passe le plus clair de son temps à ruminer dans la noirceur aux confins des bourgades…)
Ainsi, par exemple, il ‘est’ probablement le cascadeur de ‘Drive Fast’ (un peu cabossé par toutes ces années de musculation et d’excès scéniques de haut niveau mais content de pouvoir se débrouiller encore tout seul pour regagner la maison – ou le centre d’une autre scène)
Mais on pourrait dire ça de presque tous les personnages de ‘Western Stars’ (le narrateur de Hello Sunshine en tête, craignant que son goût pour la solitude ne se mue en appel du vide, l’autostoppeur du début, la star sur le retour…)
Plus que dans son autobiographie (vaguement fabriquée) ou son spectacle de Broadway quand même assez largement cabotiné, c’est probablement dans ce disque qu’on est au plus près de ce qui fait encore le talent de Springsteen.
Le disque a ses écueils mais ce qui le sous-tend est suffisamment fort pour s’en accommoder : quelques titres anodins (mais il y en avait un paquet déjà sur The River), des arrangements de cordes pas toujours aussi subtils que chez Randy Newman malgré la présence de Jon Brion…
On croise quelques clichés, aussi, évidemment mais une partie du travail de Springsteen a toujours été de débusquer la vérité derrière les lieux communs.
Et, si on devine les coutures dans la première moitié de l’album, celui-ci finit par décoller : une fois qu’on a admis que les violons c’est pour faire comme au cinéma (Nebraska réussissait la même prouesse en ne dépassant pas le stade des démos) et faire bonne figure en dissimulant les plaies et les blessures derrière de (parfois trop) jolis écrans de fumée.
On a eu l’occasion de se demander plus d’une fois, depuis les années 90 (une paye mine de rien), si Springsteen avait encore un grand disque sous la pédale.
‘The Boss is back’ annonçait régulièrement le marketing, s’en fichant bien de vérifier avant. Cette fois rien de tel mais peut être bien qu’on tient notre vrai retour.
Faut dire qu’après le pot-pourri ‘High Hopes’, l’inconstant ‘Wrecking Ball’, l’inabouti ‘Working On A Dream’, l’asphyxié ‘Magic‘, le boiteux ‘Devils &Dust’ et le trop studieux ‘Rising‘, on commençait à penser qu’on ne verrait jamais le bout de ce tunnel (of love, évidemment).
Des chansons, il y en avait toujours à prendre, bien sûr mais il fallait drôlement trier.
Mais un vrai album comme au bon vieux temps, un qui ressemble à un bon bouquin (avec des chansons comme des chapitres), un qui ressemble à un chouette film (avec des titres qui se succèdent comme des fondus enchainés), on se disait qu’il ne savait plus faire (même s’il était à peu près l’inventeur du truc).
Bref, on peut désormais être à nouveau un peu plus optimiste concernant un disque de Springsteen tenant la route.
D’ailleurs, planqué sous son chapeau de Marlboro Man, il vient d’en sortir un. Un comme on en attendait plus.
Dom HORTON