Fidèles à eux-mêmes
Vendredi 21 septembre 2018, Lille. Il pleut (ça, c’est un cliché). 21 heures. L’heure idéale. Les enfants ont dîné, ils sont peut-être déjà en pyjama, la baby-sitter est là pour les garder. Et on ne rentrera pas tard, parce que demain, il faut se lever tôt pour les amener aux activités sportives (ça, c’est du réalisme social).
Lille reçoit Leeds. Les Wedding Present sont en concert à l’Aeronef. Depuis combien de temps ne sont-ils venus dans le Nord ? Je laisse les historiens du rock dans la région répondre dans les commentaires.
Le public, 200 personnes environ, est composé exclusivement de vieux quadras et jeunes quinquas, majoritairement des mecs. Comme un congrés de mecs chauves portant barbe et lunettes. Ils sont venu voir le groupe qu’ils ont adoré, et vu en concert, il y a 25 ans, au moment de leur apogée. Public calme et fidèle.
En 1992, pour s’émanciper des réflexes du business musical, le groupe avait décidé de ne pas sortir d’album, mais 12 singles chaque mois, avec un titre original en face A et une cover en face B (les titres ne sortaient qu’en vinyle). Du coup, la rareté et l’originalité du produit faisaient que tous les disques étaient vendus en deux heures de temps, le premier mercredi de chaque mois, lors de la parution, dans ce qui était en fait un super coup marketing.
La musique des Wedding Present n’a pas changé. Toujours aussi intransigeante et efficace. Le même son précis et impactant, le même rythme, carré et soutenu, les mêmes accords, qui vont souvent par quatre. Gros son, mais un volume ni trop fort ni trop faible, parfait pour les vieilles oreilles présentes. Peu d’effets avec des pédales sur les instrument, voix sans écho ou effet, parfait pour le chant brut, rentré, simple, de David Gedge.
David Gedge, l’âme du groupe, n’a pas changé non plus. Il est toujours aussi austère, peu locace. Il ne frime pas, se présente au naturel et chante sans vouloir impressionner ou amadouer. Les morceaux sont à prendre ou à laisser.
L’attitude du groupe sur scène est également toujours la même. On retrouve les Wedding Present comme on les aime, comme ils sont : introvertis, concentrés. Même si tout le groupe qui entoure le chanteur est renouvelé. Une jeune bassiste assure la rythmique, avec un batteur solide. Elle regarde ses doigts, tout le long du concert, hyper concentrée sur son jeu, fin, effleurant les cordes en arpèges ou les percutant à coup de plectre. La guitariste, comme la bassiste, fait du « fingergazing » (variante propre aux Wedding Present du « shoegazing » cher à My Bloody Valentine, qui consiste à ne jamais regarder le public), attaque bien ses cordes et se met au service des morceaux. C’est comme une loi : quand on fait partie des Wedding Present, on est discret, on ne se la joue pas. Et pourtant, il y a eu de nombreux renouvellements du personnel depuis 2005 et la reformation du groupe après quasiment 10 ans d’interruption.
Les morceaux s’enchaînent (désolé, je n’ai pas récupéré la playlist), allant chercher dans tout le répertoire du groupe, depuis leurs débuts il y a 32 ans, dans le premier album « George Best », puis dans les albums « Watusi », « Take Foutain » (celui de la reformation, il y a déjà 13 ans) ou les derniers datant de 2012 et 2016. Un seul morceau datant de la série de singles de 1992, réunis dans la compil « Hit parade », est joué : « Flying saucer ». C’est le morceau qui fait – un peu – bouger la salle. Dommage, pas de « Blue Eyes », ni de « Come play with me ». Décidément, les WP ne céderont jamais une once de terrain à la démagogie. On assiste à des moments subtils et prenants, avec des riffs de guitares en boucle dans lesquels on retrouve le son Noisy et l’ambiance des années 1990. Le groupe interprète aussi une reprise, très proto-punk, d’un groupe ami de Leeds.
Le concert dure 1h15, pas une minute de plus. Et comme d’hab, il n’y a pas de rappel. David Gedge met du temps à sortir la phrase dans un français intelligible. Ils avaient d’ailleurs interprété une chanson en français, mais je ne l’ai compris qu’au bout de 2 minutes, LOL. « Si vous ne nous connaissez pas, ceci est notre dernier morceau, et nous ne faisons jamais de rappel ». Re-LOL.
Le chanteur descendra dans la salle dès la fin du concert, se postant devant le comptoir où l’on vend les 3 derniers albums dans un « bundle » à 15 euros, c’est dire si les temps sont difficile… On sent qu’il a pris de l’assurance avec le temps, il est prêt à échanger avec les fans… Malheureusement, la huitaine de personnes qui l’entourent ne sont intéressés que par des selfies, pas pour communiquer. Le chanteur a l’air décontenancé. Seul un gars lui souffle ses souvenirs de fan dans l’oreille.
J’arrive à lui poser une question : « Quel était votre groupe préféré dans les 90’s ? ». réponse : My Bloddy Valentine. Comme une évidence.
Texte : Stéphane
Photos : Manue Mouyart
Merci pour le compte rendu. Néanmoins il est injuste de dire que les fans ne voulaient que des selfies ! David Gedge était dans la salle dès l’ouverture des portes ( comme à chaque concert), et beaucoup de fans (dont moi) sont venus discuter chaleureusement avec lui en faisant leurs achats ! Il est vrai que le concert était court, mais magnifique. Mon père, qui venait les voir pour la première fois, ne s’en est pas encore remis ! Voilà mes impressions. A bientôt sans doute.
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